Jean Paul Pougala, Economiste
- Economiste de formation, il dirige l’Institut d’Etudes Geostrategiques de Douala au Cameroun, Genève en Suisse et Tianjin en Chine.
À propos du FCFA : Réponses de POUGALA aux questions de Serge TCHAHA pour le quotidien Camerounais L’ACTU du 03/11/2011
Serges Tchaha : Dévaluation ou réévaluation du FCFA, quel est le scénario que vous pronostiquez?
Réponse Pougala : La parité fixe du CFA par rapport au Franc Français d’abord et à l’euro est une conception des plus artificielles. Le problème à mon avis ne se pose pas en terme de dévaluer ou réévaluer le CFA avec les déconvenues de l’Euro, mais de profiter de ce tourbillon pour nous poser les bonnes questions : pourquoi en sommes-nous à ce point de subalternité totale de notre économie où on a complètement renoncer au levier monétaire pour ajuster notre politique économie ? La monnaie est le reflet de l’économie d’un pays ou d’un ensemble de pays. Nous sommes arrimés à l’Euro sans qu’on ait la moindre convergence de nos économies à celles de la France qui nous y a amenés. C’est venu, donc le moment d’arracher cette indépendance monétaire sans laquelle l’indépendance politique est un leurre.L’assassinat il y a quelques jours de Kadhafi repousse la date de la sortie de la monnaie unique africaine. Il est dans cette nouvelle donne urgent pour nous de nous doter de notre propre monnaie.
Le Cameroun souffre d’un déficit de compétitivité avec notre principal et puissant voisin qu’est le Nigeria à qui nous ne vendons presque rien, alors que nous aurions pu enrichir notre pays grâce au Nigeria voisin. Ni nous, encore moins le Bénin, le Tchad ou le Niger n’en profite pour une seule et même raison : LE FRANC CFA qui reflète le taux de change praticable en Europe, et legouvernement Camerounais ou Béninois ne peut nullement jouer sur les taux pour favoriser une quelconque politique d’exportation vers une zone donnée ou de freiner l’importation en provenance d’autres pays, exactement ce que fait le Nigeria aujourd’hui pour pomper des devises en provenances de ses voisins qui ont le Franc CFA, simplement en abaissant le taux de change du Naira quand il le désire.
Ce qui donne la fausse impression aux Camerounais et Béninois qui vont au Nigeria de se sentir plus riches, mais qui en définitive signifie que nos pays sont peu attractifs aux Nigérians, parce qu’ils trouvent tout trop cher, à commencer par le prix des chambres d’hôtel. La deuxième urgence une fois notre monnaie créée, doit être de la rendre inconvertible. La convertibilité du Franc CFA est la principale source de corruption et de transfert illicite vers l’étranger de la richesse des pays qui l’utilisent aujourd’hui.